PROXIMO Revue de presse 21/10/2019

L'economiste

Projet de loi de finances /Droits de douane: Les mesures phares

—           Hausse des droits d’importation pour protéger la production nationale

—           Réduction des taux sur les intrants pour certains secteurs

—           Régime progressif pour les boissons non alcoolisées

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Les droits de douane devront augmenter de 9,09% en 2020 pour s’établir à 10,241 milliards de DH contre 9,388 milliards au cours de cette année. Cette reprise devrait marquer un trend haussier, après un cycle de baisse suite au démantèlement tarifaire enclenché depuis quelques années

Le PLF de 2020 se caractérise par un tour de vis de la douane. L’objectif de cette action est double. D’un côté, il s’agit d’augmenter les recettes douanières qui ont commencé à baisser au cours de ces dernières années sous l’effet du démantèlement et des multiples accords de libre-échange passés par le Maroc avec de nombreux pays.

De l’autre côté, le gouvernement vise à protéger la production nationale. C’est dans l’air du temps. Plusieurs pays, qui étaient les chantres du libéralisme et l’ouverture des économies, ont commencé par afficher leur volonté de renforcer leurs instruments protectionnistes. Ainsi, sur les tarifs des droits de douane, le ministère de l’Economie et des Finances a commencé par relever les droits d’importation de 25 à 30% sur certains produits finis et semi-finis.

L’idée est d’améliorer les recettes douanières collectées à ce titre et le déficit de la balance commerciale. Pour ce département, le contexte international est favorable pour procéder à ce relèvement dans la limite des taux consolidés par le Maroc dans le cadre de l’OMC.

■ 2,5% sur les mélanges stériles : La réduction de la quotité du droit d’importation de 25% à 2,5% sur les mélanges stériles, des intrants non injectables en l’état et leur transformation en produits finis, nécessite une technologie de pointe. Ainsi, l’application d’un droit d’importation de 25% sur cet intrant au même titre que le produit fini importé, constitue une distorsion tarifaire qui entrave la compétitivité de la production nationale. C’est pour l’éliminer que le PLF a proposé cette mesure.

■ Luminaires : protéger la filière locale : il s’agit d’augmenter la quotité du droit d’importation applicable aux luminaires LED de 2,5% à 30%. Le but de cette mesure est de renforcer la compétitivité de la branche marocaine d’assemblage des appareillages d’éclairage électrique à diodes émettrices de lumière (LED) face à la concurrence des produits importés à un taux de 2,5%.

■ Idem pour les réfrigérateurs : Même chose pour les droits d’importation sur les réfrigérateurs d’une capacité  comprise entre 50 et 100 litres. Ces taux passeront de 2,5% à 30%. Il s’agit de protéger la production nationale  contre les importations massives.

■ 30% sur les tubes en acier : Les droits d’importation sur les tubes et tuyaux soudés en acier inoxydable vont augmenter de 2,5% à 30%. La production nationale destinée aux secteurs de la construction, l’automobile et l’industrie chimique et pétrolière demeure menacée par des importations de ces produits actuellement soumis à un droit d’importation de 2,5%.

■ Pièces auto : réduire les taux sur les intrants. En vue d’améliorer la compétitivité de l’industrie nationale de fabrication des pièces de rechange automobile et accessoires de véhicules, une activité en plein essor, il est proposé de réduire la quotité du droit d’importation de 25 à 10%. Ce dispositif sera appliqué à certains produits semi-finis (le bambou et le rattan), utilisés en tant qu’intrants dans la production des pièces de rechange automobile et accessoires de véhicules.

■ Pareil pour la biscuiterie et chocolaterie : Les principales matières premières utilisées par l’industrie de la biscuiterie, confiserie et chocolaterie comme le sucre raffiné, le lait en poudre et le blé tendre biscuitier seront soumis au droit d’importation minimum de 2,5% et ce, dans la limite du contingent. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan pour l’accélération industrielle. En outre, il est proposé d’élargir le bénéfice du droit d’importation minimum de 2,5% à d’autres intrants. Il s’agit des amandes pour une quantité de
800 tonnes, des noisettes pour 500 tonnes, autant pour l’arachide. Quant à certaines graisses végétales de spécialités, la quantité concernée est de 300 tonnes.

■ Conserves de thon : 10% sur les intrants. L’importation des longes de thon congelées précuites destinées à la production des conserves de thon est actuellement soumise au taux de 40% au titre des droits d’importation comme les produits finis. Ce qui pénalise l’activité de la production locale des conserves et porte préjudice à sa compétitivité face aux importations. Pour remédier à cette distorsion, il est proposé de réduire de 40% à 10% le droit d’importation appliqué aux longes de thon congelées précuites.

■ Les valves seront moins taxées : Les droits d’importation applicables aux valves en pièces détachées passeront de 17,5% à 2,5%. L’idée est de réduire le coût d’approvisionnement de ces produits comme intrants essentiels dans la production nationale des chambres à air pour les deux-roues.

■ Nouvelle infraction : Lors des contrôles, il a été constaté que les marques fiscales apposées sur les contenants de ces produits ne sont pas conformes avec les propriétés et les caractéristiques du produit concerné. C’est le cas de la nature, le volume, le degré alcoométrique… Ce qui risque d’inciter à la fraude, indique le ministère. Seulement, comme aucune sanction n’est prévue par le code des douanes pour cette infraction, il est proposé de la qualifier en tant que contravention de 2e classe, punie d’une amende égale au double des droits et taxes compromis ou éludés.

■ Régime progressif pour les boissons : Le PLF 2020 instaure un système de taxation progressif des boissons non alcoolisées qui prend en compte la teneur en sucre. Selon la loi de finances de 2019, la quotité de la TIC appliquée aux boissons contenant du sucre a été augmentée de 50%. Le but est de pousser les producteurs de ce type de boissons à entreprendre les actions nécessaires pour réduire la teneur en sucre dans leurs produits.

■ Dématérialisation officialisée : La dématérialisation des procédures douanières engagée par cette administration est consacrée. Une mesure prévoit la délivrance des documents prévus par le code des douanes peut s’effectuer par procédés électronique ou informatique.

■ Régime répressif rationalisé : les contraventions douanières de première classe sont punies d’une amende égale à trois fois le montant des droits et taxes compromis ou éludés. Quant aux contraventions douanières de deuxième classe, elles sont punies d’une amende égale au double de la totalité des droits et taxes exigibles. Il résulte de cette situation que les contraventions de deuxième classe du code des douanes sont parfois punies plus lourdement que celles de première classe. Pour redresser cette situation, le PLF propose que l’amende prévue pour les contraventions de 2e classe soit calculée sur la base des droits et taxes compromis ou éludés.

Bières : la TIC en hausse

L’intégration des quotités de la TVA spécifique dans celles de la TIC est en marche. Ainsi, il est proposé d’augmenter les quotités de la TIC de 900 à 1.000 DH l’hectolitre pour les bières contenant de l’alcool et de 700 à 800 DH l’hectolitre pour les vins. En ce qui concerne les ouvrages en métaux précieux, il est proposé d’augmenter le droit d’essai auquel sont soumis ces ouvrages. Ainsi, il passera de 100 à 600 DH l’hectogramme pour les produits en platine, de 100 à 600 DH l’hectogramme pour ceux en or et de 15 à 25 DH l’hectogramme pour ceux en argent. Cette proposition s’inscrit dans le cadre de la concrétisation des recommandations des assises de la fiscalité de mai dernier.

Budget : Le déficit à 3,2% du PIB à fin septembre

—           Forte hausse des charges de fonctionnement et baisse des recettes ordinaires •

—           Une partie des dépenses couverte par le recours à l’emprunt

—           8 milliards de DH de TVA remboursés

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Les dépenses de fonctionnement ont atteint 152,8 milliards de DH dont 82,8 milliards ont concerné les traitements et salaires. Ces derniers ont augmenté de 4,4% sous l’effet de la hausse structurelle de la masse salariale et des rappels

A trois mois de la fin de l’exercice, le déficit budgétaire culmine à 32,3 milliards de DH. Ce qui représente environ 3,2% du PIB. Et la situation risque de s’aggraver davantage avec les indemnités versées aux ministres partants et primes d’engagement aux  nouveaux ministres. Sans oublier que sur les neuf mois, une bonne partie des charges de fonctionnement a été couverte par le recours à l’emprunt (source TGR).

Certes, la fiscalité directe et indirecte affiche des hausses de recettes variant entre 2,9 et 5,4% à l’exception des droits de douane qui se contractent de 2,2%. Mais les dépenses augmentent beaucoup plus. Globalement, elles ont bondi de 7,8%. Et proviennent de la hausse de 6,3% des achats des biens et services, de 4,4% des salaires des fonctionnaires à 82,8 milliards de DH, de 9,6% «des autres biens et services» et de 12,1% des intérêts de la dette. Les charges de compensation ont également explosé de 22,2% alors que l’investissement n’a progressé que de 4,8%.

Parallèlement, les recettes non fiscales ont plongé de 42,6% à 23 milliards de DH contre 40 milliards. La plus forte baisse provient des recettes constituées des amendes transactionnelles et forfaitaires des divers ministères. S’ajoutent également la baisse des concours des comptes spéciaux du Trésor  au budget général. En revanche, les recettes de monopoles ont bondi de 21,2%, soit 8,6 milliards de DH. S’ajoutent également les remboursements et restitutions fiscaux dont le montant a flambé de près de 25%.

Pour le personnel, la hausse s’explique par l’augmentation structurelle de la  masse salariale (2,9%) mais aussi des rappels dont le montant s’est établi à 3,4 milliards de DH.

Les dépenses de fonctionnement émises se sont établies à 152,8 milliards de DH dont 82,8 milliards ont concerné les traitements et salaires qui enregistrent une hausse de 4,4%. La part du budget général dans les remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux a connu une augmentation de 24,9% en raison de la hausse des remboursements de la TVA (5,58 milliards de DH contre 3,96 milliards de DH).

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A fin septembre 2019, les dix principales sources de recettes représentent 92,9% du total de la fiscalité ordinaire. Avec un montant de 43,4 milliards de DH, la TVA tient le premier rang des recettes du budget de l’Etat

Dans le détail, les recettes ordinaires se sont établies à 185,4 milliards de DH contre 172,9 milliards à fin septembre 2018, ce qui dégage une hausse de 7,2%. Mais si on tient compte du versement en 2018 de 24 milliards de DH effectué à partir du «Compte spécial des dons des pays du Conseil de coopération du Golfe» au profit du budget général, ces recettes ont plutôt reculé de 5,9%.

En revanche, les recettes douanières, la TVA à l’import et la taxe intérieure de consommation affichent toujours une bonne forme. Surtout la TIC sur les produits énergétiques qui a augmenté de 7% sur les neuf premiers mois. Il en est de même de la taxe sur les tabacs: 7,2%. De même l’IR prélevé à la source reste orienté à la hausse avec une progression de 5,1% à fin septembre dernier. Par contre, la recette de l’IR sur les profits immobiliers a plongé de près de 16% par rapport à son niveau de septembre 2018.  Même tendance à la baisse de l’IS (-2,6).

Pour la TVA à l’intérieur, la baisse s’explique surtout par l’importance des remboursements qui se sont établis à près de 5,6 milliards de DH contre 3,4 milliards, une année auparavant. A noter qu’à fin décembre 2018, les arriérés de remboursement de cette taxe s’élevaient à 38,7 milliards de DH. Au total, les remboursements de TVA (compris la part supportée par les collectivités locales) ont atteint près de 8 milliards de DH contre 5,66 milliards à fin septembre 2018.

Les dépenses d’investissement augmentent de 4,8%, en passant  en une année de 42,7 milliards à 44,8 milliards de DH. Ceci s’explique par la hausse de 18,1% des charges communes et de la baisse de 2,7% des dépenses des ministères. Les dépenses des charges communes ont augmenté de 19,2% (30,5 milliards de DH), suite à la hausse de 22,2% des émissions de la compensation.

aujourd'hui

La Caisse marocaine des retraites ( CMR) lancera à partir du 21 octobre 2019 l’opération annuelle de contrôle de vie des bénéficiaires de ses prestations.

Cette opération ciblée consiste à changer exceptionnellement pour le mois d’octobre le mode de paiement de la pension des personnes concernées, résidant au Maroc, en mise à disposition bancaire (MAD), précise la CMR dans un communiqué. Les intéressés ont été informés par courrier postal afin de se présenter auprès de leur agence bancaire pour encaisser leur pension de préférence avant le 31 octobre, et au plus tard le 30 novembre 2019.

Selon le communiqué, les pensionnés qui ont reçu leur pension du mois d’octobre par virement bancaire ne sont pas concernés par cette opération et n’ont aucune démarche à entreprendre auprès de la Caisse. Des plates-formes de consultation ont été mises en place en vue de permettre aux bénéficiaires de savoir s’ils sont concernés par cette opération et ce, à travers la rubrique «contrôle de droit» disponible sur le portail www.cmr.gov.ma, et sur l’application mobile «MA RETRAITE CMR», ajoute la même source, invitant les intéressés à contacter son centre d’appels au 0537 567 567.

Challenge

La justice fait renaître Samir de ses cendres

Du nouveau dans l’affaire Samir. Le tribunal de commerce de Casablanca vient de donner son verdict.

A l’arrêt depuis août 2015, sombrant dans une crise profonde accentuée par plusieurs procès judiciaires et un mouvement social du personnel, avec un passif de plus de 43 milliards de dirhams, la Société anonyme marocaine de l’industrie du raffinage (Samir) semble connaître un dénouement. En effet, la justice marocaine a finalement déterminé le sort de la société pétrolière marocaine.

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Selon une décision rendue par le tribunal de commerce de Casablanca, le 10 octobre 2019, dont le site MFM.ma détient une copie, la raffinerie Samir reprendra son activité pendant trois mois à compter de la date du verdict.

Cette décision intervient trois ans après l’annonce de la liquidation de la Samir par la Cour d’appel de commerce de Casablanca et deux ans après la publication de l’appel à manifestation d’intérêt pour le rachat des actifs de la raffinerie. La raffinerie n’était pas séduisante ; il était impossible de trouver un repreneur qui serait prêt à racheter plus de 43 milliards de DH de dettes pour une entreprise dont le total des actifs s’élève à peine 21 milliards de DH.

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Le PLF2020 veut limiter les avantages fiscaux des industries exportatrices

Actuellement, les sociétés industrielles sont soumises à l’IS au taux marginal de 31%. Ce taux est plafonné à 17,5% pour le chiffre d’affaires à l’export. Le projet de Loi de Finances 2020 introduit la notion de convergence des taux d’IS vers un taux unifié. Une mesure qui fait suite aux engagements fiscaux du Maroc avec ses partenaireseuropéens.
Cette proposition, si elle est retenue et votée en l’état, se fera en deux étapes. La première consiste en la réduction du taux d’IS de 31% à 28% pour les entreprises qui font un bénéfice net inférieur à 100 MDH. Deuxièmement, le taux sera relevé de 17,5% à 20% au titre du chiffre d’affaires à l’export.

A la première lecture, cette mesure semble pénalisante pour les grands groupes industriels qui font une partie de leur chiffre d’affaires à l’export et dont le bénéfice net est supérieur ou égal à 100 MDH.Dans le PLF2020, il est spécifié que ces propositions s’inscrivent dans le cadre des actions prises pour aligner les règles fiscales marocaines aux normes internationales, notamment les standards de l’OCDE, conformément aux engagements pris par le Maroc. Le gouvernement assure toutefois que ces mesures ont pour but de “renforcer la compétitivité des sociétés industrielles marocaines qui subissent une forte concurrence dans un contexte international marqué par la tendance à la baisse de l’IS”.

Les multinationales également concernées

Le PLF2020 introduit une convergence d’IS pour “certains secteurs d’activité” vers un taux d’imposition unifié. Le texte fait référence aux “secteurs concernés par le cadre inclusif mis en place par l’OCDE pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (BEPS)”. Il s’agit principalement des multinationales.

Il est proposé un relèvement du taux intermédiaire de l’IS de 17,5% à 20% et le relèvement pour “certaines activités” du taux du barème plafonné de 17,5% à 20%.

Le Maroc avait signé en juin dernier, à Paris, la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales visant à prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, plus communément appelée mesures anti-BEPS. Signée par 89 juridictions, la convention est le principal instrument mondial de mise à jour des conventions fiscales bilatérales visant à réduire les possibilités d’évasion fiscale pour les entreprises multinationales. En effet, l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) fait référence aux stratégies de planification fiscale qui exploitent les failles et les différences dans les règles fiscales en vue de faire «disparaître» des bénéfices à des fins fiscales ou de les transférer dans des pays ou territoires où l’entreprise n’exerce guère d’activité réelle. Le cadre inclusif sur le BEPS rassemble aujourd’hui plus de 125 pays et juridictions qui travaillent en collaboration pour mettre en œuvre les mesures anti-BEPS.

Notons qu’en mars 2019, le Maroc avait déjà adhéré au Cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Avec la signature de cette convention le Maroc confirme son engagement envers l’Union Européenne pour lutter contre les activités »dommageables » pour le vieux continent. Cela pourrait contribuer à sa sortie de la liste grise de l’UE.

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Recrudescence des chèques sans provision en 2019 !

Environ 90 milliards de dh de chèques en bois ! Plus de 570 000 marocains sont interdits d’émettre des chèques. De plus en plus de particuliers tolèrent l’émission de chèques sans en avoir la provision. La pratique illégale de chèques de garantie entretient ce cercle vicieux. Les affaires de chèques sans provision représentent 20% de l’activité des tribunaux correctionnels.

«Seuls les paiements par carte ou en espèces sont acceptés». L’écriteau, faisant office de règle, de plus en plus exposé de manière visible dans plusieurs magasins et commerces est symptomatique de la situation que vit le chèque. En clair, ce moyen de paiement est en perte de crédibilité. Sa force probante ne cesse de s’éroder d’année en année. En 2015 déjà, les retours impayés non régularisés ont augmenté de 6,3% en nombre. Une année après, on comptait 5,5% de rejets en plus. Pour 2017 et 2018, le dérapage des chèques en bois s’est poursuivi : +4,5% avec à la clé environ 1,2 million de cas de rejet par an. Pas que cela ! Même en valeur, la moyenne des montants rejetés est en hausse. Environ 30 000 DH pour chaque incident contre pas plus de 22000 DH il y a 5 ans !

Cette tendance n’est pas prête de s’estomper. L’année 2019 ne connaît pas de répit! Banquiers, financiers d’entreprises et commerçants rapportent une recrudescence des chèques sans provision. «Le phénomène, auparavant très mal vu, commence à s’insérer dans les usages», note un directeur financier d’une PME structurée. Le directeur de succursale chez BMCE Bank explique que cette «situation est prévisible au vu de la conjoncture difficile que continuent de vivre plusieurs entreprises, notamment les petites structures». Pour les personnes physiques, le désir de toujours consommer plus, sur fond d’endettement et de pouvoir d’achat qui ne suit pas, fait en sorte que beaucoup d’émetteurs de chèques se retrouvent incapables d’assurer la provision le jour de l’encaissement. «Ceci est facilité par la pratique de chèque de garantie qui est largement répandue», relève un comptable. «Il est devenu de plus en plus toléré de retourner un chèque, étant donné que les clients en question peuvent régulariser leur situation en s’acquittant d’une petite pénalité», explique le banquier. L’on compte aujourd’hui plus de 550 000 personnes physiques interdites de chéquiers.

Pour lever cette interdiction bancaire, la personne doit s’acquitter de 5% du montant du chèque sur le premier incident, 10% sur le deuxième et 20% sur le 3e rejet. Pour plusieurs banquiers, ces niveaux ne dissuadent pas assez ! Pas pour la Confédération nationale des TPME qui ne cesse de rappeler aux officiels, à l’occasion de réunions qu’elle tient régulièrement, que les pénalités que doivent payer ses membres qui cumulent les impayés sur les dernières années rajoutent aux difficultés en augmentant leurs charges financières.

Par ailleurs, les banquiers ont serré la vis pour les dépassements naissant de règlement de chèques avec insuffisance de provision. Un directeur de centre d’affaires confie que pour un client ayant émis un chèque de 130 000 DH, le comité de la banque a refusé catégoriquement le paiement en forçant le dépassement, sachant que le client a des effets à l’encaissement de 400000DH déposés auprès de la banque.

Il faut dire que les établissements de crédit n’ont pas le choix ! Un montant donne des sueurs froides : l’encours des chèques impayés dépasse aujourd’hui 90 milliards de DH, en cumul (en prenant en considération les nouveaux rejets et en soustrayant les régularisations des incidents enregistrés par BAM). Près de 60 milliards de DH correspondent à des chèques de personnes physiques. En nombre, sur un cumul de 3 millions de cas de rejet, 2,46 millions concernent des chèques de particuliers.

Le chèque, moyen de paiement à vue qui, en principe, équivaut à un paiement sûr, est ainsi rejeté des milliers de fois par les banques… et pour des montants colossaux : la moitié des cas de rejet (en nombre et en valeur) concerne des chèques de plus de 100000 DH !

Résultat : le discrédit colle à ce moyen de paiement, ce qui n’est pas sans empoisonner le milieu des affaires et entraver la bonne marche des affaires, notamment dans les échanges inter-entreprises et les achats auprès des commerçants. Chez ces derniers, on ne jure plus que par le cash et les virements pré-commande, surtout quand il s’agit d’une entrée en relation avec un client. L’on parle désormais plus de chiffre d’affaires sain au lieu d’objectifs de ventes ambitieux. Il ne s’agit plus de vendre mais de sécuriser le paiement ! Plusieurs entreprises et grands commerces ont instauré des mini-dispositifs de scoring de leur clientèle.

Pour la 3e année consécutive, le chèque perd sa place de premier moyen de paiement. Contrairement aux années précédentes, la structure des paiements scripturaux, en nombre, a connu une réelle transformation, avec notamment la régression de l’utilisation du chèque et qui a cédé la première place au virement pour la seconde année consécutive. Ainsi, le virement représente une part de 35%, suivi de la carte bancaire (26%), du chèque (24%) et, enfin, du prélèvement, qui représente 12% de l’ensemble des échanges.

En termes de montants échangés, ces proportions sont nettement différentes, car si les chèques demeurent prépondérants, avec 47% des montants échangés, loin devant les virements (35%), les transactions de paiement par cartes restent constantes avec une part de 1% des opérations, les cartes étant essentiellement utilisées pour des règlements de faibles montants.

Les litiges de chèques en hausse de 10% en 2018

Cette délinquance financière finit de plus en plus devant les tribunaux ! Le nombre d’affaires de chèques sans provision portées devant les juridictions correctionnelles est en hausse de plus de 10% en moyenne sur les cinq dernières années, selon des sources au ministère de la justice et des libertés. Ces affaires représentant 20% de l’activité des juridictions correctionnelles du pays.

Ce n’est pas pour rien que l’on assiste donc à un retour forcé du cash. Selon les dernières données de Bank Al-Maghrib, la monnaie en circulation dépasse 215 milliards de DH. Par habitant, la circulation fiduciaire représente, en volume, 43 billets et 73 pièces. En valeur, elle s’élève à près de 6 300 DH.

Pour restaurer la crédibilité du chèque, le Service de centralisation des chèques irréguliers (SCCI) qui sera accessible aux acteurs non financiers est très attendu par les opérateurs. Le SCCI est une centrale d’information pour vérifier les chèques irréguliers (comptes clôturés, les oppositions sur chèques, les faux chèques, les coordonnées bancaires des interdits multi-comptes, etc.) avant leur acceptation en tant que paiement. Ces informations seront consultables à travers une application web ou mobile. Les entreprises et commerçants peuvent aussi vérifier les informations sur un chèque ou un compte par téléphone ou automatiquement à travers les TPE incluant des lecteurs de chèque.

Pour les lettres de change normalisées (LCN), la proportion des rejets, qui s’est établie à 16,4% dans le circuit intra-bancaire et plus de 21,4% en interbancaire, demeure inquiétante, d’autant plus que 89% des rejets correspondent à des rejets pour absence ou insuffisance de provision. Pour pallier ces niveaux de rejets préoccupants et rétablir une relative crédibilité de ce type d’instrument de paiement, Bank Al-Maghrib œuvre pour la mise en place de mesures dissuasives, à même de prévenir contre les incidents de paiement des lettres de change, à leur échéance. Des amendements au Code de commerce ont été présentés dans ce sens.